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GUERRE   AUX   CONFERENCES   DE   PAIX   .  .  .  !

 

.  .  .  Paix  sur  la  terre  aux  hommes  de  bonne  volonté   ! Mais cette prière est  inutile, la volonté ne suffit pas, outre qu’elle n’existe pas, ou du moins elle est tellement insipide, en telle minorité, que la guerre sera toujours le cauchemar de la paix et son perturbateur en tous temps.

Dernièrement nous recevions une invitation du Professeur A.Einstein à propos d’une  Association en faveur de la Paix.  Nous lui avons répondu ainsi : “Cher Collègue, nous avons la meilleure volonté  du monde à ce que la Paix soit éternelle, mais autant nous la sentons en nous-même que nous ne croyons en celle des gens du monde.  Nous jugeons que la paix sera impossible ici-bas tant que la guerre ne sera pas faite impossible.”

Alors ce furent les  Forces  Socialistes contre la guerre qui  nous  accablèrent de prospectus. Monsieur Romain Rolland nous remit sa sollicitation, et par hommage à son talent nous lui avons répondu en ces termes : “Monsieur, nous accepterions votre invitation si nous étions sûr des finalités de cette conférence pro-pax, mais nous ne pouvons vous cacher notre méfiance en  y voyant son organisation : nous avons bien peur que cette paix poursuivie là ne soit qu’une justification communiste de l’adage latin “Si vis pacem para bellum”. Une paix à base de l’esprit de guerre ne peut à notre avis être une formule pacifiste durable, ni même viable.”

Nous recûmes ensuite une pressante invitation pour assister au Congrès des forces religieuses contre la guerre. Notre expérience nous obligea encore une fois à renoncer. Après 1914-1918, après Locarno, après le récent incident de la S.D.N. devant le conflit armé sans déclaration de guerre entre la Chine et le Japon, nous ne pouvions nous exposer à une mésaventure, bien moins après la faillite de l’appel du Professeur Einstein et la banqueroute du Congrès Socialiste pro-pax d’Amsterdam. Nous répondîmes donc dénoncant  nos sentiments dans les termes suivants :”Nous sympathisons avec vos voeux et désirs, mais nous n’alimentons, hélas, aucun espoir de succès pour votre entreprise, toute sincère et honnête soit-elle.  En qualité de Membre de ce Congrès, nous avons le regret de vous notifier notre absence intentionnelle de la prochaine réunion de Genève, les 16-18 Août 1932, en signe de protestation de notre conviction que cette Assemblée, comme les antérieures conférences en faveur de la Paix, n’incarne pas, à notre point de vue, la méthode précise et indispensable pour arriver à instituer ou même rendre possible la Paix sur terre entre les hommes, et notre principal motif ici, c’est que nous n’arrivons  à croire que la paix sera jamais possible ici-bas, tant qu’elle ne sera pas une réalité définitive dans l’esprit et dans le coeur de tous les membres de l’espèce humaine”.

Cette Conférence s’est célébrée en son temps, et nous apprenons qu’il y a eu grande effusion de  paroles à forts battements de coeur et même arrosées de chaudes larmes d’homo sapiens exaltés, mais on en est resté à la préparation de nouveaux “rapports” et à la préparation de nouvelles “commissions” ainsi qu’à la confection des prochains discours pour les réunions postérieures.  L’affaire de toujours, et ainsi on apprend à notre “bourgeoisie épatée” que la paix règne dans le monde, tout comme si on voulait nous faire croire qu’il y a de la paix parce qu’il n’y a pas de guerre ou qu’il y aura de la paix tant qu’il n’y a pas de “guerre déclarée”, comme dans le conflit sino-japonais et dans le paraguayo-bolivien. La Conférence du désarmement elle aussi a recours à  des arguties aussi édifiantes, discourant sur l’ offensif et le défensif de certaines armes, pour aboutir enfin à ce que toutes les armes sont d’ordre défensif et que la guerre elle-même, tant qu’elle n’est pas déclarée, n’existe point ou qu’elle n’est qu’une illusion des pacifistes qui ont la frousse des artífices . . . des zones de feu !  Celà les Belges le sûrent en 1914 !  .  .  .

Il y eut encore une autre conférence à Bruges, tout dernièrement. Ce fut celle du Pacte Roerich en faveur de la Paix. Nous y fûmes invité  de même. Et de même, nous eûmes  à renoncer à nous déplacer, pour épargner notre temps, pas mal d’argent et l’audition d’une infinité de discours et de motions que nous savons de mémoire depuis que nous fîmes un stage de quatre mois à Genève, au cours desquels nous avons assisté à plus d’une demi-douzaine de Conférences, Congrès, Assemblées, Consistoires, et autres sortes  de réunions destinées à faire la paix pour l’humanité. Nous repondîmes donc au Comité organisateur de ce Pacte Roerich que “la guerre nous est des plus odieux, étant la pire plaie de l’humanité, mais que nous jugions que les Pactes seront aussi impuissants à éviter la guerre que les révolvers des policiers de nos villes. Tant qu’il y aura des fabriques d’armement, des écoles où on enseigne le patriotisme et des chancelleries où l’on agite des intérêts nationaux, la paix sera un impossible aussi grand qu’un calme éternel sur les océans.”

Le Pacte Roerich a eu lieu, mais il n’a pas empêché davantage que la L.D.N. et le Pacte Briand-Kellog et tous les autres pactes et conférences de paix et contre la guerre déjà célébrés, que le Japon fit l’assaut malencontreux de la Chine et lui arracha sans déclaration  de guerre et au prix de milliers de victimes, Shanghai et la Mandchourie, et enfin que le Paraguay et la Bolivie s’entre-tuent, que les Colombiens et les Péruviens préparent une nouvelle guerre en ces moments précis ! .  .  .  Nihil  novum  sub  sole !

Nous contemplons maintenant une nouvelle invitation. C’est étonnant comme on nous accable d’invitations cette année (1932) quand on sait très bien que nous ne sommes pas d’une psychologie de troupeau prête à faire ce que les autres font et d’aller partout où on nous offre un moment de loisir à nous épancher sur des thèmes sentimentaux. Que l’on sache donc que nous ne sommes point passif, en un mot que nous sommes actif, et que nous jugeons que la paix ne viendra pas d’elle-même, qu’il faut la conquérir de force, c’est-à-dire  qu’il faudra, le jour qu’on voudra ruiner une fois pour toutes le danger damocléen de la guerre, faire la guerre à la guerre, la vaincre et la conquérir. Sans celà, tout n’est que temps perdu et après encore il faudra que la paix soit une réalité au-dedans de l’âme, une réalité spirituelle, et dans le coeur, (une réalité) de sentiment.

La nouvelle invitation nous vient de la  Fraternité des Religions, qui se réunira à Chicago à l’occasion de l’exposition de 1933. On nous a invité à y participer. On nous a même prié  de travailler dès maintenant pour assurer son succès, mais quand notre bonne foi nous faisait agir en ce sens, nous fûmes surpris par les machinations de basses passions.  Nous qui croyions à la sincérité de  cette pompeuse Fraternité des systèmes de Foi, nous voilà atteint sans cause précise  par les mesquineries de l’envie de certaines personnalités de son Comité organisateur. S’ils commencent ainsi, nous devinons fort où et comment finira cette grandiose Fraternité de la Foi. Nous qui aurions voulu prêter tout notre important concours à la réussite de ce Congrès, nous voilà donc obligé de faire rétraction, et nous nous empressons d’ores et déjà de vaticiner l’issue finale : la foi aura fraternisé pour une fois, mais ce ne sera que pour cette fois, car la foi est trop souvent  une affaire de foie, et pas assez de science, d’âme et de coeur. Mais peut-être qu’à l’odeur du Pâté de Foie gras  des fabriques de conserves, et sur la foi et le foie des Racketeers de Chicago  la foi aura là plus de succès qu’ailleurs. Espérons-le toutefois!

Et voici une autre Conférence qui nous parle de Paix. Mais une clause considération de ses buts et de son Programme nous fait découvrir que la Paix  n’est mentionnée là que parce qu’elle n’existe pas au monde. Et c’est la seule fois que nous voyons et entendons parler de  Paix d’esprit et de coeur. L’annonce nous arrive cette fois d’Orient, des Leaders et Philosophes Bouddhistes. Ils n’entendent pas se réunir en Assemblée mondiale pour discuter la paix, mais tout simplement pour projeter un Mouvement  de Réforme de toutes les valeurs sociales humaines  afin de créer l’impossibilité de la guerre et de même faciliter le plus complet développement  pacifique des facultés transcendantales du potentiel ethnique de notre espèce. Leur but n’est point de discuter des projets, faire des discours, tâcher de se mettre d’accord, mais tout simplement  de se rencontrer pour finir le plan d’action ou de procédé,  pour arriver à instituer la réalité objective du spiritualisme Bouddhique, pour concrétiser enfin en forme synthétique la réalité cristallisée  des sublimes conceptions Bouddhistes au sein même de la nature humaine. Etant doués des pouvoirs spirituels, ils n’ont rien à demander aux profanes ; ayant en main la direction du monde Bouddhiste qui se chiffre à  plus d’un tiers de la population totale du globe, ils n’auront point à mendier des efforts, de la coopération ou des contributions auprès de personne.

Les Bouddhistes n’ont jamais été consultés sur les problèmes du monde, mais dans leur conscience qu’ils ont une tâche à remplir là comme bons spiritualistes et comme êtres humains sensés, ils ont décidé de se mettre à leur tâche sans l’avis de personne. Ils ont l’Orient entre les mains, et la meilleure partie de l’intelligenzia occidentale qui suit de près la philosophie de l’Orient ; il est donc procédant de se demander quelle sera l’issue d’une telle action coordonnée des pouvoirs spirituels les mieux définis et les plus forts du monde, et enfin les facteurs les plus pesants dans la formidable, colossale et mystérieuse Ame de l’Asie.

Il n’y a pas de danger que cette action se confonde avec le fantôme mondial du moment : le communisme, car ils n’y croient pas et ils l’abhorrent. Il  ne nous reste donc qu’à attendre. Mais une Aube certaine se dessine déjà à l’horizon, car les principes du Bouddha sont bien connus. Jamais les enseignements de Bouddha n’ont servi pour faire la guerre, pour établir des conquêtes, pour spolier aucun peuple, pour enforcer aucune croyance ou pour imposer aucune coutume ; même pas pour faire couler des larmes ! Quelle belle conquête pour l’humanité si celà se généralisait partout !

A une telle Assemblée, nous assisterons, parce qu’elle fera la guerre à la guerre et elle établira la paix universelle par la paix des âmes et des coeurs.

11 novembre 1932    
                                                                              
Oung Maung Shrenzi

L’AUBE --- Organe mensuel de la société nouvelle d’application philosophique. --- cinquième année – n° 60 – février 1933 -------------------
Courtoisie de la Fondation Pr. OM  Lind-Schernrezig et du Musée Mondial de l’Histoire Vivante de l’Humanité --- le 18 mai 2001 ---  Jour International des Musées.